Du haut de ses dix ans et de toute son insolente jeunesse, fille nº1 vient de me traiter d’immature! Pourquoi donc, demanderez-vous, une vénérable mère qui traîne derrière elle ses 41 balais, tant de sagesse et un si pesant (!) bagage d’expériences a-t-elle pu s’attirer des propos aussi désobligeants?
Imaginez : toute à ma gourmandise, j’ai commis ce midi l’impardonnable bêtise, en fin de repas, d’approcher en riant la bouche vers la pointe de pizza, plutôt que de faire l’inverse! Et debout devant la table en plus, en racontant des bêtes histoires « drôles » à l’heure des sérieux comptes-rendus de l’avant-midi !!!
Si l’Écrivain (en congé de maladie) en a été estomaqué, j’avoue que ça ne m’a pas tellement étonnée. Depuis quelque mois, j’ai de plus en plus souvent droit à d’insistants regards mouillés, apitoyés ou attendris, à des sourires émus. Je n’ose rien dire, parce que de toute évidence, ça lui d’intenses satisfactions d’éprouver tant de pitié pour sa mère. Elle me regarde comme on regarde un nourrisson qui s’essaie à marcher et qui toute à sa fierté de réussir enfin, s’empêtre les pieds et trébuche. Chère maman toute naïve, toute belle de candeur (« T’es cute! »), toi qui es peut-être sur le point de découvrir enfin les mystères de la Vie… tu en es presque émouvante!!!
Non pas qu’elle ne sache pas compter, la Sara, qu’elle ne soit pas en mesure de se rendre compte que sa mère est née bien avant elle. Elle n’est pas si bête. Mais c’est justement mon âge qui pose problème et me vaut un tel capital d’empathie : mon immaturité appartient au genre de « l’immaturité sénile ». Sortie tout droit d’une préhistoire où on vivait paisiblement au rythme de la transhumance des troupeaux de brontosaures (qui sait, peut-être même née avant la découverte de l’Amérique!!!), j’inspire la pitié. J’ai été nourrie au lait de diplodocus qu’on allait traire nous-mêmes chaque matin juste avant de marcher (à pieds, madame!) les treize kilomètres qui séparaient la maison de l’école, les pieds-nus, sans chaussures, qu’il vente ou qu’il neige (que les sceptiques aillent se rhabiller : on a des photos qui le prouvent!); il va sans dire que tout cela donne droit à une certaine indulgence.
La jeune louve prend garde de ne pas être trop dure à mon endroit et de ne pas toujours me faire sentir à quel point ma naïveté et mon incurie sont pour elle un objet de gêne et d’embarras extrêmes, surtout devant ses amies. Pensez-vous ! Sa mère est encore incapable d’apprécier les chefs-d’œuvre de l’heure (High School Musical I, High School Muscial II, etc.). Elle a beau faire semblant de s’y intéresser un peu, question de passer quelque minutes de plus chaque jour avec sa fille, on voit bien qu’elle fait semblant, qu’elle ne trippe pas vraiment. L’a-t-on jamais vu se pâmer devant un T-shirt à l’effigie d e Zac Efron??? Installer un fond d’écran Jess McCartney sur le bureau de son ordi?? Faire une crise au magasin pour des gougounes Hillary Duff??? Réclamer à cors et à cris qu’on respecte son droit à la culture et à l’éducation en achetant un trois cent soixante-cinquième Archie? Rien à faire : on peut bien sortir une fille (ou une mère!) de la préhistoire, mais pas la préhistoire de la fille!
Je me console en me disant que je la verrai expier tout ça un jour lorsque, tout comme moi, elle verra sa fille poser sur elle ce regard appitoyé qu’elle aura déjà posé sur sa propre mère. On expie toujours ce genre de choses.
2 commentaires:
Mouhaha, l'immaturité sénile.
Je sens que je ne suis pas loin d'être taxée de ce genre de tare par mon fils aîné de 10 ans 1/2 !!!
Par contre, il ne m'a jamais dit que j'avais des excuses puisque j'avais été élevée au lait de diplodocus !!!
ça me rappelle mon plus jeune qui demandait à son arrière-grand mère si elle avait déjà vu des dinosaures le jour de ses 96 ans parce qu'elle était archi vieille !! L'archi vieille approche bientôt de ses 100 ans, pète le feu et fait preuve d'une immaturité sénile carrément outrancière !!
J'espère bien devenir ce genre de mémé ;-)
Enregistrer un commentaire