mercredi 16 juillet 2008

Difficile de se débarasser de certaines représentations

J’étais en train de dé répondre quelque chose au commentaire laissé par Femme libre au message d’hier, réponse qui devenait un peu trop longue et dont je préfère faire un nouveau billet.

Je lui disais que je ne vais pas si loin que de réclamer le titre d'artiste ; ceux qui renvoient à la pratique d'une activité (calligraphe, peintre) me suffisent amplement. Mais ceux-là aussi, on a trop de scrupules à les revendiquer et d’aucuns s’arrangent pour nous faire comprendre haut et fort que nous n’y avons pas droit. Alors je demande que ces titres soient désacralisés, c'est tout ;-) Que des œuvres extraordinaires soient sacralisées, vénérées, je pense que c'est important. Ces œuvres sont des repères qui nous inspirent, des significations fortes qui nourrissent, renouvellent et structurent notre représentation du monde. Mais les activités elles-mêmes (peindre, sculpter, etc.) ceux qui s’y adonnent (peintres, sculpteur, musicien), c'est autre chose. Il y a une certaine idéologie de l'art prenant ses racines dans le romantisme il me semble, qui fait de l’artiste un inspiré, un être d'exception qui peut de ce fait produire des œuvres exceptionnelles. Alors que c’est l’inverse. Mais l’image du demi-dieu est assez gratifiante.

Cette représentation de l’art est, d’une façon un peu paradoxale, à l’origine de la déconsidération de la pratique artistique. Car nous ne pouvons pas tous être des demi-dieux. Et pour ne pas que le mythe s’effondre, on distingue deux pratiques de la musique, de la peinture, de la danse : d’un côté, il y aurait la vraie, celle des ayant-droit, de l’autre, il y aurait celle des dames patronnesses qui ont du temps à perdre, des notaires à la retraites, des élèves qui doivent se reposer les neurones de temps en temps avec un peu d’art plastique… Cela permet de préserver le mythe.

Ce mythe relève d’une idéologie de l’art, il défend des intérêts, l’intérêt de ceux qui réclament le titre, le statut. Que certains artistes soient réellement des demi-dieux, ok! Nebreda est à mon sens un artiste d’exception, mais c’est son œuvre qui le fait tel, et non l’inverse.

Comment se fait-il que nous, pauvres mortels, sommes tous, à prime abord, si scrupuleux à montrer aux autres un poème que l’on a écrit, une chanson qu’on a composée, une toile qu’on a peinte, si ce n’est parce que nous sommes marqués par ce mythe de l’artiste demi-dieux et que de montrer ce que nous avons fait nous semble alors une prétention trop inouïe pour ne pas en avoir honte? D’où le syndrome de l’imposteur. Et c'est malheureux, parce qu'au bout du compte, la pratique artistique en pâtit forcément dans nos sociétés.

Peindre, écrire, ce ne sont pas des gestes sacrés réservés aux demi-dieux. Les demi-dieux existent, mais il n'ont pas peur de ceux qui s'adonnent en novices aux mêmes activités qu'eux, et ne témoignent pas de tant d'âpreté à défendre, toutes griffes dehors, des appellations.

Je n'ai pas fait moi-même l'objet de remontrances, comme certains d'entre vous semblent s'en être inquiétés, mais j'ai lu et entendu des propos qui m'ont choquée, c'est tout. Et à réfléchir à l'origine de mes scrupules, de mes démons intérieurs : insécurité personnelle, bien sûr, mais pas seulement, il me semble - la chose en ce domaine est beaucoup trop répandue, et trop étrange, lorsqu'on y pense.

Sur ce, je clos cet intermède philosophique. Je suis en vacances, non?





5 commentaires:

Solange a dit…

C'est bien dit, je suis tout a fait d'accord avec vous.

micheline a dit…

Furtif passage:
il est important de redire ces choses qui viennent du coeur

Encre a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Encre a dit…

;-)

Merci pour ce furtif mais sympathique passage, Micheline!

Ce Bref Réveil a dit…

Quel besoin si pressant avez-vous de rimer ?
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ?
Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre,
Ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre.
Croyez-moi, résistez à vos tentations,
Dérobez au public ces occupations,
Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme,
Le nom que dans la cours vous avez d’honnête homme,
Pour prendre de la main d’un avide imprimeur,
Celui de ridicule et misérable auteur.


Molière, Le Misanthrope, Acte 1, scène II