Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été désorganisée.
Passionnée de littérature, je suis pourtant allée faire un bac en théologie1 mais je ne m'intéressais déjà plus qu'à la philosophie. Pendant que je faisais ma maîtrise de philo, c'est la littérature qui me prenait tout mon temps et lorsque j'ai entrepris la maîtrise de littérature, je me suis surtout intéressée au traitement de questions philosophiques.
Toujours à côté de la plaque, incapable (mais en ai-je seulement la volonté?) de me discipliner un peu.
Je n'ai pas d'agenda, j'ai beau essayer d'en tenir un mais je ne parviens jamais à le faire plus de trois jours consécutifs. Je ne porte jamais de montre puisque je les perds toutes et que de toutes façons, ça m'agace tellement que je n'ai aucune envie d'en porter. Tous mes repas sont improvisés à la dernière minute et j'ai beau essayer de faire des listes d'épicerie réfléchies, je dois retourner acheter des choses oubliées presque chaque jour que Dieu fait. Là, les vacances arrivent, et je n'ai presque rien planifié. Mes achats de Noël, je les fais bien sûr le 24 décembre et lorsqu'il me faut me rendre à une réception, je suis toujours catastrophée de réaliser à la dernière minute que je n'ai pas, dans ma garde robe, les vêtements qu'il me faut mais que j'étais pourtant certaine d'avoir.
Connaissez-vous ça, vous, une mère qui n'arrive pas à se rappeler de la date de naissance de son deuxième enfant??? Ne me parlez pas de blocage psychologique, je suis folle de cette enfant, mais chaque fois qu'on me demande sa date de naissance et que j'hésite entre le 21, le 22 et le 23 du mois x, j'ai l'air de la sacrée perdue que je suis!
Connaissez-vous-ça, une femme qui, non seulement oublie à tout coup l'anniversaire de mariage, mais qui en plus, n'est même pas foutue de se rappeler la date de cet anniversaire! Et ne me parlez pas d'oubli volontaire, de blocage, etc. Ma relation avec l'Encrier dure depuis dix-huit ans et c'est bien la seule chose qui ait tenu jusqu'ici dans ma vie.
À côté de la plaque, bordélique et désorganisée. Je le dis en toute modestie : je pense que dans mon genre, je suis un phénomène.
La désorganisation a bien sûr un coût économique (ce n'est pas toujours beau-beau, les finances d'une désorganisée…), psychologique (crises de panique de la désorganisée qui n'a encore une fois rien prévu ni préparé alors que les invités arrivent dans quinze minute) et affectif (tant d'amis perdus de vue, oubliés, parce que je ne les rappelais pas, ayant l'esprit et le corps ailleurs…). Mais la plupart du temps, je vis assez bien avec, me disant que le peu de temps que j'ai, je ne veux pas le consacrer à des choses aussi rasoir que l'organisation. Mon entourage soupire, mais a bien dû s'y faire. Certains2 trouvent que cela a du charme :
― « Maaaadame, on vous trouve tellement drôle, perdue dans votre monde. Mais surtout, ne changez pas, c'est comme ça qu'on vous aime, on vous trouve tellement cute! » (propos d'élèves)
Et lorsque l'Encrier, enfilant du short étrangement étroit, se rend compte que c'est en fait une culotte d'F1 que la ménagère dysfonctionnelle a rangée dans son armoire, cela donne toujours lieu à de franches rigolades.
Comment ce blog a-t-il pu survivre aussi longtemps, et comment puis-je être fidèle presque chaque jour au rendez-vous, ces temps-ci deux fois plutôt qu'une, cela reste pour moi une énigme3. J'ai souvent tenté de tenir un journal, question d'agripper un fil d'Ariane et le suivre, quelle qu'en soit la direction, mais je n'ai jamais pu tenir bon plus de trois jours.
Je me suis habituée à moi-même et la plupart du temps, je coexiste assez bien avec mes défauts. Mais de temps en temps, la rage organisatrice me prend violemment, surgie d'on ne sait où. J'ai beau me moquer des amateurs de graphiques et d'algorithmes, je me pends alors à les envier. Et c'est alors la folie du rangement de tiroirs et de garde-robes qui s'empare de moi. J'emprunte les Coup de pouce de ma mère, je lis avec admiration et envie les menus et les comptes-rendus ménagers de Sahée et je me rêve semblable. Je suis dans tous mes états, comme si un esprit étranger s'était emparé de moi.
« Dieu du rangement, sors de ce corps! »
Tout ça pour vous dire qu'aujourd'hui, je rêve d'agendas, de schémas, d'algorithmes, de budgets, de listes d'épicerie, de planification détaillée, de fichiers Excel.
Et j'ai ce dilemme qui me taraude : je ne veux pas multiplier les blogs, je me connais trop pour savoir que je ne parviendrai jamais à en tenir plus d'un, mais l'aspect hétéroclite de celui-ci où se côtoient calligraphies, récits de mes déboires personnels, ma vie de famille et des morceaux de mon jardin m'agace de plus en plus. Vous me direz qu'il y a pire comme problèmes dans l'existence et j'en conviendrai, mais me voilà tout de même tourmentée.
Heureusement, je sais que la manie est passagère et que tout devrait rentrer dans l'ordre je redeviendrai moi-même sous peu.
(1) J'en suis aux aveux, mais pas de questions là-dessus s.v.p.
(2) Ceux-là ne vivent généralement pas avec moi 24h sur 24.
(3) Enfin, presque ;-)