samedi 23 août 2008

Quatre ans aujourd'hui










Cela fait 4 ans aujourd'hui qu'F2 est avec nous. Bonne fête mon amour!


(avec sa soeur)

vendredi 22 août 2008

Le goût de la disséquer

F2, faisant parler la pouliche Gommette : « On s'en va à l'école! »

Moi, faisant parler Marie-Saucisse : « À l'école??? Pourquoi ??? »

Gommette : « On va apprendre toutes sortes de choses! »

Marie-Saucisse : «Comme quoi? »

Gommette : « Ce qu'il y a dans le cerveau des chats! »

mardi 12 août 2008

Des avantages d'une existence plus brouillonne

En feuilletant l'exemplaire de la revue Coup de pouce que m'a mère m'a refilé dans l'espoir que j'y trouve quelques trucs pour être plus organisée pour la rentrée, je tombe sur cet article qui me laisse perplexe. Des maquilleuses expertes en gestion de temps de maquillage y réorganisent la routine matinale douche-maquillage-coiffure de trois femmes. Ainsi, Catherine, 22 ans, qui avait une routine matinale de soixante minutes (vous avez bien lu!), voit sa routine « réoganisée » par des spécialistes en gestion de temps et réduite à un gros 35 minutes (vous de rêvez pas!), l'infirmière Diane, 53 ans, qui avait une routine de 65 minutes (vous de rêvez pas!) est désormais l'heureuse détentrice d'une routine de 40 minutes (vous de rêvez pas!), alors que Jasmine, 44 ans, voit sa routine passer de 50 à 35 minutes (vous de rêvez pas, bis, bis!)

Quand je lis ça, je me dis que, franchement, la désorganisation a du bon! J'ai beau gonfler les chiffres, lorsque j'examine pas propre routine, cela donne : 3 à 4 minutes pour la douche, 1 minute tout au plus pour la coiffure (je laisse sécher en gonflant avec les doigts tout en faisant autre chose, je n'ai donc, à la fin, qu'à peigner et donner, certains jours, 2 ou 3 pshhh de gel en aérosol), 20 à 30 secondes pour la crème de jour, 30 secondes pour le fond de teint, 20 secondes pour le mascara, 20 secondes pour le fard à joues, 10 secondes pour un pshhh de parfum, 15 secondes pour l' antisudorifique, 2 minutes pour le brossage de dents, qui n'est même pas présent dans la description détaillée des trois routines, pas plus que le parfum et l'antisudorifique d'ailleurs. Mon score : 9 minutes sans me presser! (les jours de grandes sorties, on peut ajouter 30 secondes pour le rouge à lèvres)

C'est vrai que je ne suis pas une adepte du poupounage extrême. Et je savoure la chance que j'ai : chaque matin, je dispose de 35 à 65 minutes de temps libre pour faire des choses tellement plus palpitantes dans une vie qui passe si vite. Je prends le premier exemple qui me passe par la tête : ce matin, si j'avais passé 65 minutes à me dessiner au crayon un contour des lèvres que personne n'aurait remarqué parce que personne ne remarque jamais ça, à me dessiner les sourcils au crayon, à appliquer l'une par dessus l'autre quatre crèmes toutes plus inutiles les unes que les autres, ben je n'aurais jamais su qu'aujourd'hui, Jade, Croc et Rivière des Nords, les trois amies imaginaires d'F2, avaient « gravi une montagne escarpée pour aller faire un pique-nique au sommet », et qu'une mouffette avait « fait pipi sur elles »; je n'aurais pas appris non plus l'existence des feux de nuages et des feux d'arc-en-ciel, bien différents des feux d'artifice m'assure F2 qui a eu la chance d'en admirer chez Rivière des Nords.




Si loin de la simplicité volontaire…

La femme désorganisée fait son ménage de printemps à la mi-août. 12 gros sacs de vêtements et de jouets à donner, et ce n'est pas fini. La honte me monte aux joues. Comment peut-on accumuler autant alors que d'autres n'ont rien? Comment peut-on consommer autant alors qu'on se dit préoccupée par les effets de la surconsommation? La maison est pleine d'objets inutiles…

PS. Et que dire des vingt grosses bibliothèques qui ne suffisent même pas à contenir tous les livres qu'il y a dans cette maison? Mais pour ça, la ménagère résignée n'essaie même plus de proposer un tri – chacun de ces milliers de livres est, paraît-il, suprêmement précieux et je commets un sacrilège chaque fois que je suggère qu'on n'a pas besoin de posséder matériellement tous les bons livres.


dimanche 10 août 2008

La rentrée, première partie


Même enfant, j'ai toujours aimé la rentrée. Parce que pour les élèves comme pour les profs, le jour du nouvel an, le grand jour du renouveau qui permet au monde de renaître et de recommencer à neuf, ce jour -là advient fin août ou début septembre, c'est selon. La véritable année, pour nous, c'est l'année scolaire. L'autre, celle qui commence le premier janvier, n'est qu'une année officielle qu'on retrouve dans les calendriers et les agendas de la foule étrangère qui ne travaille, n'aime, n'espère ni ne sue à l'école, sans plus.


Les semaines qui précèdent le grand jour sont pleines d'une belle fébrilité. Les enfants ont hâte d'aller magasiner pour acheter vêtements et fournitures scolaires. Je mesure le fossé qui sépare les générations en prenant le pouls de l'intérêt immodéré de ma fille pour les fringues qui contraste fort avec la tempérance exemplaire dont elle sait faire montre lorsqu'elle envisage l'achat des cahiers (sauf s'ils sont à l'effigie d'Hanna Montana ou des Jonas Brothers), stylos, trousses à crayons. À son âge, je me foutais presque des vêtements qu'on m'achetait pour la circonstance. Mais quel émoi s'emparait de la fétichiste que j'étais déjà lorsqu'il me fallait acheter un stylo ou que mes parents m'en offraient un des leurs (que j'ai aimé ce Parker 51 qui avait appartenu à mon père), qu'il me fallait choisir de beaux cahiers neufs, quadrillés de préférence, deux (et non pas vingt) crayons à papier, un (et non pas sept) classeurs à anneaux, une (et non pas quatre) gommes à effacer. En ces temps antiques et mémorables, la papeterie Clairefontaine était difficile à trouver au pays, mais mon libraire de père avait accepté d'en tenir un peu en stock pour nous faire plaisir à mes sœurs et à moi. Et puis, il y avait le cartable neuf qu'on portait en bandoulière ou sur le dos, bien plus beaux mais moins ergonomique que les actuels sacs à dos en nylon, les livres neufs qui sentaient bon, la nouvelle salle de classe, le nouveau maître ou la maîtresse, le nouveau pupitre (à côté de qui serai-je assise cette année), l'enthousiasme nouveau.


C'était une autre époque, je vous le concède, mais l'excitation est toujours au rendez-vous, aussi bien pour F1 que pour moi. Nous sommes allées acheter baskets, sac (Hanna Montana) et vêtements (Hanna Montana et Jonas Brothers) mais il nous faut attendre de savoir quelle école elle fréquentera avant d'aller chercher les livres et les effets scolaires. J'ai tout de même commandé et reçu cette trousse à crayons en cuir noir. Une trousse comme il y en avait à l'époque, une trousse durera des années et qui préservera la mine des crayons de couleurs en empêchant qu'ils ne s'entrechoquent continuellement. Elle est plus belle que sur les photos, et la finition est impeccable. Après y avoir bien réfléchi, je crois que je ne la lui offrirai pas pour la rentrée : à l'école, elle risque trop de se la faire voler. La trousse restera donc cachée jusqu'à Noël et elle servira à entreposer les crayons à la maison. C'est un beau cadeau, je me ferai plaisir en l'offrant et je crois qu'il sera apprécié.


De mon côté, je suis en train de produire un plan pour un cours que je donne pour la première fois. J'ai demandé une charge de cours réduite de moitié, je ne devrais avoir que deux groupes. Seulement, il se pourrait qu'à la dernière minute on m'oblige, pour des raisons qui relèvent de la convention collective, à prendre une tâche pleine. Si c'est le cas, je passerai mon tour, je ne veux plus de tâche pleine, je l'ai dit et je m'y tiendrai. Je veux prendre le temps de voir grandir mes enfants, et puis j'ai d'autres projets que j'aimerais mener à terme. N'empêche, en construisant ce cours, la frénésie de la rentrée s'empare de moi. Et puis j'enseignerai dans un campus situé à quatre ou cinq minutes de chez moi, c'est formidable. La fétichiste en moi envie Hortensia qui vient de s'offrir un beau bureau et un fauteuil de travail confortable. Mais je me raisonne en me disant qu'un bureau ne sert à rien d'autre qu'à remiser ma paperasse et que, désorganisation oblige, je travaillerais toujours, de toutes façons, et même avec le plus beau bureau et le plus confortable des fauteuils, sur le plancher du salon, de ma chambre ou, au mieux, à plat ventre sur mon lit.



Les villes invisibles

d'Italo Calvino


On s'y vautre littéralement. Chaque page lue, lentement parce que ça se savoure, ne donne pas tant envie de passer à la suivante que d'être relue, et relue, et relue à l'infini. Chaque signe y fonctionne comme un miroir qui reflète mille signifiants qu'on voudrait tous, à la manière de Marco Polo, visiter pour que l'esprit s'y perde en allant toujours plus loin, là où le voyageur étonné ne découvre jamais que ce qu'aurait pu être le passé dont il s'est un jour détourné, un passé qui fascine et le tire de l'avant, le jette sur la route à la recherche de ce qu'il aurait pu être.

Pour peu qu'on y songe un instant, ce périple n'est-il pas celui de tout lecteur, voyageur porté par la puissance des signes dans des mondes possibles, comme Kublai Khan ne sachant plus qui, de Marco ou de lui, explore l'Empire.

Je ne suis qu'au premier tiers du bouquin, cédant presque toujours à cette irrésistible envie de revenir en arrière, de reprendre au début, de relire et relire et relire chaque page. Je n'en sortirai peut-être pas vivante ;-)






En extrait, le début du livre - ce sont en fait les quatres premiers chapitres:

« Il n’est pas dit que Kublai Khan croit à tout ce que Marco Polo lui raconte, quand il lui décrit les villes qu’il a visitées dans le cours de ses ambassades ; mais en tout cas, l’empereur des Tartares continue d’Écouter le jeune Vénitien avec plus de curiosité et d’attention qu’aucun de ses autres envoyés ou explorateurs. Il y a un moment dans la vie des empereurs , qui succède à l’orgueil d’Avoir conquis des territoires d’une étendue sans borne, à la mélancolie et au soulagement de savoir que bientôt il nous faudra renoncer à les connaître et à les comprendre ; une sensation dirait-on de vide, qui nous prend un soir avec l’odeur des éléphants après la pluie, et de la cendre de santal quand elle se refroidit dans les brasier éteints; un vertige qui fait trembler fleuves et montagnes historiés sur la croupe fauve des planisphères, laisse s’enrouler l’une sur l’autre les dépêches qui nous annoncent l’écroulement des dernières armées ennemies de déroute en déroute, écaille la cire des cachets de rois dont on n’a jamais entendu le nom et qui implorent la protection de nos armées victorieuses en échange de tributs annuels en métaux précieux, peaux tannées et carapaces de tortues : c’est le moment de désespoir où l’on découvre que cet empire qui nous avait paru la somme de toutes les merveilles n’est en réalité qu’un débâcle sans fin ni forme, que sa corruption est trop évidemment gangréneuse pour que notre sceptre puisse y apporter remède, que la victoire sur les souverains adverses nous a rendus les héritiers de leur lent écroulement. C’est dans les seuls comptes rendus de Marco Polo que Kublai Khan pouvait discerner, à travers murailles et tours promises à tomber en ruine, le filigrane d’un dessin suffisamment fin pour échapper à la morsure des termites.

Les villes et la mémoire. 1.

En partant de là et en allant trois jours vers le levant, l’homme se trouve à Diomira, une ville avec soixante coupoles d’argent, des statues en bronze de tous les dieux, des rues pavées d’étain, un théâtre en cristal, un coq en or qui chante chaque matin sur une tour. Toutes ces beautés, le voyageur les connaît pour les avoir vues aussi dans d’autres villes. Mais le propre ce celle-ci est que si on y arrive un soir de septembre, quand les jours raccourcissent et que les lampes multicolores toutes ensemble aux portes des friteries, et que d’une terrasse une voix de femme crie : hou!, on en vient à envier ceux qui à l’heure présente pensent qu’ils ont déjà vécu une soirée pareille et qu’ils ont été cette fois-là heureux.


Les villes et la mémoire. 2.

Il vient à l’homme qui chevauche longtemps au travers des terrains sauvages, le désir d’une ville. Pour finir, il arrive à Isidora, une ville où les palais ont des escaliers en colimaçon incrustés de coquillages marins, où on fabrique lunettes et violons dans les règles de l’art, où lorsque l’étranger hésite entre deux femmes, il en rencontre toujours une troisième, où les combats de coq dégénèrent en rixes sanglantes mettant aux prises les parieurs. C’est à tout cela qu’il pensait quand il avait le désir d’une ville. Isidora est donc la ville de ses rêves : à une différence près : dans son rêve, la ville le comprenait lui-même, jeune; il parvient à Isadora à un âge avancé. Il y a sur la place le petit mur des vieux qui regardent passer la jeunesse; lui-même y est assis, parmi les autres. Les désirs sont déjà des souvenirs.

Les villes et le désir. 1.

On peut parler de deux façons de la ville de Dorothée : dire que quatre tours d’aluminium d’élèvent de ses murs flanquant sept portes à pont-levis à ressort qui enjambent le fossé dont l’eau aliment quatre canaux de couleur verte qui traversent la ville et la divisent en neuf quartiers , chacun de trois cents maisons et sept cents cheminées ; et, tenant compte de ce que les filles à marier d’un quartier épousent des jeunes gens de l’autre quartier et que leurs familles échangent entre elles les marchandises que chacune possède à l’exclusion de toute autre : bergamotes, œufs d’esturgeon, astrolabes, améthystes, faire sur la base de ces données les calculs nécessaires pour savoir tout ce qu’on voudra de la ville touchant le passé, le présent, l’avenir ; ou alors dire comme le chamelier qui me conduisit là-bas : « J’y arrivai dans la première jeunesse, un matin, beaucoup de monde se dirigeait vivement dans les rues vers le marché, les femmes avaient de belles dents et vous regardaient droit dans les yeux, trois soldats sur une estrade jouaient de la clarinette, tout autour partout tournaient les roues et flottaient au vent les affiches peintes. Jusqu’alors je n’avais connu que le désert et les pistes des caravanes. Ce matin-là, à Dorothée, j’ai compris qu’il n’y avait rien de la vie qui ne m’attendît. Dans la suite des années, mes yeux sont retournés contempler les beautés désertiques et les pistes de caravanes ; mais maintenant je sais qu’il ne s’agit là que de l’une des si nombreuses voies qui s’ouvraient ce matin-là devant moi, à Dorothée. »
(Italo Calvino, Les villes invisibles)