Femme libre me demandait il y a quelques temps si je peignais les roses. J’avoue qu’à part quelques essais très stylisés, je n’avais pas vraiment essayé. Étrange peut-être, puisque mon jardin en est plein et que les roses anciennes ont longtemps été pour moi une véritable obsession. Mais si photogéniques qu’elles puissent être, je les trouve moins intéressantes en peinture.
Il me fallait tout de même m’y mettre, parce que si je veux un jour faire de la papeterie de réception et donc de mariage, il me faudra sûrement faire appel à ce genre de motif pour orner des calligraphies trop austères pour la circonstance. Je me suis donc essayée à peindre les roses, non pas ces belles roses simples gracieuses et émouvantes qui parent si bien les rosiers botaniques, mais les grosses fleurs turbinées qui parent les bouquets de mariées.
La rose de mariée, ou rose de fleuriste (encore appelée hybride de thé) est la rose kitsch par excellence (1). Et si elle peut encore trouver sa place dans un bouquet ou un pot de fleurs, au jardin, elle devient un incontournable classique pour tous les amateurs de kitsch. Car le kitsch a désormais des adeptes, il a même sa papesse qui lutte pour la reconnaissance et la préservation du patrimoine kitsch de Montréal. Propriétaire d’un bungalow en banlieue (même si ce n’est pas celle de Montréal) je m’inscris donc de ce fait, un peu malgré moi, dans cette grande tradition qui a également marqué l’art des jardins.
Mon voisin a des flamands roses et un canard de plastique sur sa pelouse avant. À chaque printemps, je m’attends à le voir installer sur son parterre un sympathique nain de jardin ou un petit nègre à lanterne. Mais mon voisin est un homme d’habitude qui n’aime pas les remises en question ; il se contente donc de ressortir inlassablement, année après année, ses flamands roses et son canard. Je respecte ça en m’efforçant, de mon côté, d’intégrer le kitsch à ma déco de jardin.
Pour ce faire, j’ai choisi les roses, des fleurs qui ont su faire leurs preuves en matière de kitsch. Mais je m’assume mal : céder sans réserve au kitsch impliquerait trop de choses auxquelles je ne saurais me résoudre, comme de planter des floribundas et des hybrides de thé au jardin. La place me manque, l’envie aussi.
Des années d’expérience dans la culture de cette plante m’ont permis d’établir avec précision une échelle appréciative des différents types de rosiers que je soumets au lecteur désireux de créer un jardin kitsch. Les rosiers seront présentés selon l'intérêt qu'ils présentent, en ordre décroissant.
1.
1. Les hybrides de thé et les floribundas, également appelés « roses de fleuriste », ainsi que tous les rosiers Meilland, à quelques rares exceptions près. La néophyte que je suis ne s’est pas encore aventurée dans ces hautes sphères de la kitschitude. Le lecteur notera que les roses bicolores, mauves ou rouge pompier sont les plus prisées dans le jardin kitsch, mais que la rose bleue, qui remporterait certes la palme du kitsch-plus-ultra en déclassant du coup toutes ses rivales, n’existe pas encore. Ce n’est pour l’instant qu’une légende urbaine bien entretenue par l’industrie de l’hybride de thé. Les roses bleues qu’on essaiera de vendre au rosiériste débutant sont en fait des roses teintes (en bouquet) ou des roses d’un rose mauve (pour les rosiers à planter).
2. 2. Les rosiers anglais. J’en ai déjà eu beaucoup mais je les ai presque tous arrachés et donnés lors de l’une de ces crises périodiques durant lesquelles ma foi dans l’intérêt du jardin kitsch vacille.
3. 3. Les hybrides de rugosa, appelés à tort « rosiers rustiques » ― tous les rosiers qui sont adaptés au climat du jardin où ils sont plantés peuvent être dit « rustiques », la rusticité n’étant pas une variété ou une famille de rosiers mais une notion relative à l’adaptation au climat. Je n’ai qu’un hybride de rugosa (Agnes), mais je l’aime beaucoup ;
4. 4. Toutes les catégories de roses anciennes.
5. 5. Les hybrides de musc et autres rosiers qui en dérivent comme les créations de Lens, par exemple. J’avoue que si je disposais encore d’un peu d’espace pour planter quoique ce soit, j’en planterais beaucoup. Mais ils n’ont guère leur place dans le jardin kitsch. Pour preuve : l’étonnement du visiteur qui vous demandera ce que sont des petites fleurs simples ou semi-doubles qui parent si joliment un buisson plein d’épines et qui s’indignera de vous entendre dire qu’il s’agit de roses puisque, de toute évidence, ce ne sont pas là de « vraies » roses.
6. 6. Les rosiers botaniques, nec-plus-ultra du rosomane snobinard, mais que l’amateur de jardin kitsch qui préférera aux grands buissons à port souple les quelques baguettes raides des hybrides de thé. Avoir un graaaaand terrain, il me prendrait des envies de snobisme.
Il va sans dire qu’on voit rarement des mariées porter des bouquets taillés à même les rosiers botaniques. Le mariage est un des grands moments kitsch de la vie où on cède sans retenue et sans résistance à tout ce qui nous ferait honte à un autre moment. Il n’était guère utile, dans la perspective mercantile dont l’amateur de kitsch ne cherchera pas à se cacher (2) mais qu’il apprendra à considérer comme une valeur patrimoniale sûre, de me mettre à peindre des roses simples ou semi-double. Il fallait faire dans le très double, le pompeux, le pompier. Voici donc les quelques essais réalisés dernièrement.
Mon premier essai a de quoi intéresser les vrais mordus du kitsch. Comme je ne suis pas encore de ceux- là et que même si je ne veux présumer de rien, il y a bien des chances que vous n’en soyez pas non plus, appelons-ça un horrifique cauchemar. Âmes sensibles, s'abstenir !
Esssai 1:
Avant d’entreprendre les essais n.2, et 3 je me suis juré de ne pas récidiver en peignant d'autres aquarelles de fleurs agressives/agressantes, ce qui m’a amené à pêcher par excès contraire. L’essai n.2 s'est avéré être un pénible mélange d'aquarelle et de guimauve que je n'ai pas cru bon de devoir terminer. L'essai 3 si désespérément sage et convenu que je me suis ennuyée ferme à le peindre, tant que je n’ai pas jugé bon de le terminer non plus.
Essai 2:
L’essai n.4 me satisfait enfin. Je crois que c’est ce que j’ai fait de mieux. Mais c’est peut-être un peu austère pour agrémenter des calligraphies de mariage.
Essai 4 ;
Les essais 5-6-7, réalisés hier soir, sont plus réussis dans le genre mi-kitsch. Juste assez pour un mariage fleur-bleue : kitsch, mais avec retenue, et sans offenser le bon goût.
C'est quand même presque plus que mon côté fifille n'en peut supporter. L'Encrier m'a conseillé de peindre une tête de mort juste à côté des roses pour en neutraliser l'arrière-goût de nunucherie. J'y songe, j'y songe ;-)
Ou alors, peut-être, revenir à l'élégance toute simple des tulipes?
Notes :
(1) Le lecteur aura compris qu'il ne faut pas prendre au sérieux les insultes que je profère à l'endroit de ses rosiers préférés.
(2) Le lecteur aura compris que j'exagère et que j'ai beau être avide de gloire, de célébrité et être en mal de succès commercial, je ne peinds pas ce que je n'ai pas envie de peindre.
8 commentaires:
Et ben moi j'adore complètement les roses posées sur le treillis vert c'est très ZEN comme élan avec beaucoup de sensualité dans les pétales. wow.
Ce sont aussi mes préférées ;)
Moi je dois être très kitch j'aime les numéros 1 et 2 pour les détails. Mais pour des faire-parts...
Je suis kitch aussi car mon essai préféré est le un. Mais je suis très contente que vous peigniez des roses. Pourquoi pas des roses ésotériques, imaginaires, follement colorées? Oubliez les mariages, pensez graduations, jeunesse et folie. Il y a plus de graduations que de mariages et c'est tout à fait fou l'argent dépensé pour une graduation. Je m'insurge mais j'ai pourtant fait partie de cet engouement quand ce fût le tour de ma fille chérie.
C'est une idée, ça, Femme libre! Merci :) je songeais à toutes sortes de réceptions et j'avais effectivement les graduations en tête, mais j'en minimisais peut-être l'importance. En voyant le type de clientèle visée par les calligraphes américains, je songeais surtout mariages.
Solange,consolez-vous, c'est surtout cet horrible fond barbouillé que je n'aime pas dans l'essai 1 (et aussi l'effet boueux vers le coeur de la fleur). Et pour l'essai n.2, la fleur n'est pas si mal non plus, c'est la mièvrerie des feuilles que je n'aime pas. C'est récupérable, bien sûr, mais la vraie raison (et non pas celle fournie pour puncher le billet) pour laquelle je ne prends pas la peine d'ajuster les valeurs, c'est que c'est dessiné d'après Redouté et que je me suis ennuyée ferme à ce travail de reproduction. Et puis, question de tempéramment sans doute, je n'aime pas faire des choses trop léchées.
Encre
Bon. Je vois que nous avons en commun un même rosier Agnès (moi aussi je l'aime beaucoup)
Ton essai deux est juste kitsch ce qu'il faut et son côté pas fini est agréable à l'oeil, même si je préfère tes dernières tentatives.
Plus ton travail est à trait grossiés, plus beau il est selon moi !! j'aime bien les dernières !
Still, on dit ici qu'Agnès est le Noisette du nord (pour la fleur, pas pour les épines ;) ) C'est le premier rosier à fleurir dans mon jardin.
Cricri : merci :) C'est vrai que ce qui est fait plus rapidement a plus d'âme.
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