Dans la carte faite de leurs blanches mains que les étudiants m'ont remise il y a deux semaines, le même message revient inlassablement, dit et redit avec une insistance qui me laisse pantoise : « Madame, votre passion et votre enthousiasme ont donné vie à ce cours… », « Je n'aime pas tellement cette discipline, mais grâce à votre passion... », « Demeurez toujours aussi passionnée et blablabla ».
Passionnée???
Comment ai-je pu leur donner une telle impression, comment ai-je pu leur laisser croire une chose pareille? Toute la session durant, j'ai quitté à regret enfants, chat, pinceaux, plumes et Encrier pour m'atteler sans aucun enthousiasme au lourd travail de correction, de préparation de cours jamais donnés auparavant, morte-vivante qui a maudit le ciel chaque matin pour cette session de fous dans laquelle il m'avait je m'étais embarquée…
C'est sûr que les heures-contact avec les groupes d'élèves sont infiniment plus agréables que tout ce qui les précède et que l'épuisement qui leur succède, mais tout de même, j'y étais, moi aussi, à mes cours, et je ne suis ni sourde ni aveugle : c'était plate! Toute la session durant, j'ai été mortifiée de donner des cours aussi soporifiques, morte-vivante que j'étais, avec des passions qui me portaient vers tant d'autres choses.
Perplexe, je me dis qu'ils ont peut-être écrit ça juste comme ça, parce qu'il fallait bien y écrire quelque chose dans cette satanée carte. Mais je ne les savais pas si dénués d'imagination pour tous reprendre en chœur l'idée de celui ou de celle qui évoqua ma passion en premier.
Ça me semble un mystère insondable, peut-être une nouvelle forme de perversion que je ne connaissais pas ―ou encore l'art d'être complètement à côté de ses pompes.
8 commentaires:
Ce que vous oubliez c'est que ces chérubins avaient aussi des cours de français, de math, de physique ou je ne sais quelle autre matière drôlement plus soporifique que la vôtre. Vous y étiez à vos cours, mais vous n'étiez pas aux autres cours. Sinon vous comprendriez mieux je pense.
C'est peut-être votre nature profonde et elle ressort malgré vous.
C'est bien possible - je n'avais pas songé à cela. Je demeure tout de même assez perplexe ;-)
Allo Encre,
Ahh, le syndrome de l'imposteur...sentir que la reconnaissance n'est pas méritée et que l'on a réussit, "encore une fois", à camoufler à quel point on ne se sent pas à la hauteur...Oui, je connais très bien.
La vraie question est peut-être de savoir quel jugement est biaisé, le leur ou le nôtre?
Ce sentiment de n'avoir jamais fait assez bien a sûrement une origine.
Voilà de beaux compliments, qui s'ils sont écrits par plusieurs ne peuvent être que vrais !
Il y a un monde parfois entre ce que l'on transmet et ce que l'on pense tansmettre réellement.
Ils sont bons à prendre ces retours, cela prouve que le travail, au delà de ce qu'il t'a coûté a rencontré son public :))
Allez donc lire les descriptions d'un bon prof chez le Professeur Masqué, vous constaterez que vous répondez pas mal aux définitions proposées. La passion, on l'a ou on l'a pas et quand on l'a, impossible de la cacher alors ces perspicaces élèves l'ont sentie!
Pourquoi voir de la perversion, là où il n'y en a peut-être pas, mais la perversion n'est pas toujours là où on l'attend.... Drôle de rendez vous que celui là.
Bien cordialement
Castor
Bonjour Castor! Mes libellés sont tous ironiques ou humoristiques.
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